Pas d'immobilité pas de Yoga
Pour les grands yogis de l'Antiquité avoir découvert l'importance primordiale de l'immobilité, notamment au plan physiologique, est un trait de génie. C'est seulement grace aux découvertes de l'anatomie et de la physiologie moderne que nous pouvons l'expliquer, comprendre et apprécier.
Pour cela nous devons nous remettre en mémoire que notre corps est commandé par le système nerveux, lequel est partagé par notre science en , d'une part le système nerveux volontaire, qui commande nos muscles, et d'autre part, le système nerveux autonome, lequel commande nos organes, et qui échappe à notre volonté.
De très longs temps de réaction.
Lors de nos mouvements volontaires un ordre part du cerveau, voyage le long du nerf moteur et parvient au muscle, lequel exécute instantanément l'ordre : le muscle se contracte. C'est essentiel pour notre survie. Si, voyant un rocher dégringoler du flanc de la montagne droit vers nous, il fallait au muscles plusieurs secondes avant que l'ordre donné de s'écarter de sa trajectoire soit exécuté, nous serions bientot informés au sujet de la réincarnation. Pour assurer cette rapidité, le nerf est directement relié au muscle par une plaque motrice. Ici le temps de réaction ( ou chronaxie) se mesure en centièmes de secondes.
La plaque motrice.
Par cette plaque les nerfs moteurs et les muscles sont intimement interconnectés afin que les ordres provenant du cerveau soient aussitot exécutés. Un telle liaison directe n'existe pas pour les viscères dont les réactions sont, de ce fait, infiniment plus lentes.
Par contre pour le système nerveux autonome, celui qui dirige la vie végétative, les nerfs qui commandent les divers organes et glandes ne sont pas en contact direct avec l'organe mais se terminent à une certaine distance de celui-ci. Puis, à partir des terminaisons nerveuses, un produit chimique est émis (un neurotransmetteur, adrénaline ou acétylcholine selon qu'il s'agit d'accélérer le mouvement de l'organe ou au contraire de le ralentir). Et cela prend plusieurs secondes, donc des centaines de fois plus de temps que pour les muscles volontaires.
Pourquoi en est-il ainsi?
Pour protéger notre santé et pour notre confort de vie. Si les organes réagissaient à la moindre impulsion, la vie serait une cacophonie organique. Si je bouge ma colonne vertébrale et que j'agis sur un nerf commandant un organe qui obéirait aussitot, vous devinez ce que cela donnerait : ce serait invivable! Donc, les temps de réaction très long protègent nos organes contre des impulsions intempestives et multiples, se chevauchant ou se contredisant les unes les autres.
En deux mots : pour la vie de relation, impliquant les muscles volontaires, des réactions quasi-instantanées s'imposent. Pour la vie végétative, par contre, les temps de réaction dépassant les longs temps d'immobilité qu'on rencontre dans la vie courante, nous protègent.
Or, les postures de yoga ( et c'est là leur différence essentielle avec la gymnastique ou les sports) visent les organes plutot que les muscles.Donc, en vertu de la règle du tout ou rien, si je n'atteins pas quelques secondes d'immobilité, aucune réaction de la part des organes, quel qu'il soit, ne se produit. Mais passé un délai de quelques secondes, chaque seconde d'immobilité supplémentaire est du bénéfice net, donc intensifie et/ou prolonge la réaction. Donc plus longtemps on s'immobilise, plus profonds et durables seront les effets bénéfiques des postures.
Autrement dit, si on ne s'immobilise pas on n'a guère de résultats que musculaires, ce qui n'est pas nécessairement néfaste, mais en tout cas ce manque d'immobilité ne cadre pas avec les objectifs du yoga.
André Van Lysebeth